Arch.
de la Gironde, C. 3585. Communiqué et transcrit par M. P. Caraman.
Aujourd'huy,
premier février mil sept cens quatre, nous. Romain Dalon, premier
président, André d'Andraut, doyen, Paul Malvin de Primet,
Jean-Martial de Mosnier, André-Louis de La Chabane et
Guilhaume-Joseph Demons-Latour, conseillers en la Grand'Chambre du
parlement de Bordeaux, commissaires nommés par l'arrest de la
Cour
de ce jourd'huy pour faire procès verbal de l'incendie arrivé la
nuit dernière dans le palais, et de l'estat d'icelluy et lieux
adjacens, nous estant transportés dans ledit palais, à deux heures
après midy, accompagnés de Jean Vignieres, conseiller, secrétaire
de ladite Cour, et greffier servant à la Grand'Chambre; de Desaubiés
et de Coud, huissiers, sommes premièrement montés dans la grande
sale, à l'entrée de laquelle, à main gauche, est la chapelle par
où l'on va à la chancellerie, et au bout de la grande sale, du
mesme coté, une tour dans laquelle est le greffe des présentations,
et à main droite de ladite sale en entrant sont.
Premièrement,
la porte par où on va aux chambres de l'Admirauté, Eaux et forest,
et de la Table de marbre; ensuite, celle de la chambre du parquet de
messieurs les gens du Roy plus avant, celle du Sennechal, et au bout,
près de la grande porte par où l'on entre dans l’intérieur du
palais, un perron par où on monte dans la chambre de l’audience de
messieurs des requêtes, laquelle dite grande avec tous les logements
y aboutissans cy dessus mentionnés.
Ayant
visité, nous avons trouvés n'estre aucunement endommagés par le
feu, à la
rezerve
toutefois de quelque partie de celluy de messieurs des requêtes dont
il sera fait estat cy après, le cours et le progrès du feu qui
venoit de l’intérieur du palais ayant esté arresté au bout de
ladite grande sale, par le bon ordre qui a esté mis, et entre autres
choses tous les ouvrages de bois qui communiquoient de ladite
grande
sale à celle de l’audience ayant esté coupés. Sur quoy, il
auroit esté dit par monsieur le premier président qu'ayant esté
averty un peu après trois heures du matin que le feu estoit dans le
palais, il se seroit habillé en dilligence, et en mesme tems envoyé
avertir ledit sieur de La Chabane, l'un des commissaires icy presens,
son plus proche voisin, de se rendre au palais pour donner les ordres
nécessaires, et que luy mesme y estant arrivé, auroit donné les
siens, lesquels ont reussy si heureusement qu'ils auroient garanty de
l'incendie la grande sale du palais, la tour dans laquelle est le
greffe des presentations, les chambres de messieurs des requêtes, du
Sennechal, du parquet, de la Table de marbre, Eaux et forets et
l'Amirauté, la chapelle, la chancellerie, endroits que le feu auroit
infailliblement
consommés,
et de là auroit peu estre porté par le vent dans la conciergerie
dans la rue des Argentiers, et embraze tout le coté de ville qui est
entre le palais et la rivière.
Après
quoy, s'estant retiré chez luy en compagnie dudit sieur de La
Chabane, peu de temps apres monsieur le procureur général y seroit
arrivé, aussy bien que plusieurs officiers de la Compagnie, avec
lesquels estant retourné pour l'audiance du Sennechal, comme estant
le plus convenable, et après que tout ce dessus a esté dit par
monsieur le premier president, ayant vouleu entrer de ladite grande
sale dans le lieu où estoit ladite sale de l’audience, nous
l'avons veue toute embrazée, les flames entre tenues par les restes
des ruines paroissant encore se lever en plusieurs
endroits
au travers de deux ou trois pieds de cendres qui sont sur le
terreplain de ce lieu, lesqueles nous ayant empeché de pénétrer
plus avant, nous avons remis à demain à continuer la visite et
procès verbal de l'intérieur du palais, et après avoir donné les
ordres necessaires pour éteindre les restes du feu et empêcher
qu'il ne causat de nouveaux dommages, nous nous serions retirés.
Et
avenant le lendemain, nous, commissaires susdits, accompagnés comme
dessus, nous estans transportés à deux heures après midy dans le
lieu où estoit ladite sale d’audience, et ayant trouvé le feu qui
y restoit le jour d'hier, lorsque nous nous retirames, presque
éteint, nous aurions vu que les deux grandes galeries, avec leurs
jalousies,
l'une servant à messieurs des Enquêtes et de Requêtes pour
entendre plaider, et l'autre pour le public, tous les sièges de
messieurs, les barreaux, portes, lambris, tapisseries, vitres,
horloge, plafond, charpenterie et couverture estant entièrement
consommés par le feu, dans le comble de laquelle sale de l'audiance,
il y avoit une grande quantité de liasses de registres, arrets,
procédures, et autres
papiers
dont il sera fait incessament un plus exact procès verbal et autant
circonstancié que faire se pourra pour la sûreté publique, après
qu'on en aura peu prendre une plus ample connaissance. Et à l'égard
des murs de ce lieu, il nous a pareu que celluy qui le sépare de la
grande sale, s'estoit conservé entier et solide à cause de son
épaisseur qui est de quatre pu cinq pieds dans toute la hauteur de
ladite,
sale de l’audience, et que les autres murs d'icelle, beaucoup moins
épais, quoy qu'encore sur pied, estoint brûlés et calcinés,
faisant fente de moment en moment et menaçant une ruine prochaine.
D'où
estant ensuite passés dans le lieu où estoit la Grand' Chambre qui
n'estoit séparée que par un mur, nous avonst rouvé que ladite
Grand'Chambre avec tous ses sièges, parquets, portes, lambris,
plafon, vitres, charpanterie et couverture estoint aussy brusiés et
consommés par le feu. Au dessus. de laquelle il y avoit une chambre
et
plus haut un comble, remplis d'une grande quantité de papiers de
mesme
qualité que ceux qui estoint sur ladite sale de l'audiance et dont
il sera fait, comme nous avons dit cy dessus, plus ample procès
verbal. Les murs de laquelle Grand'Chambre paroissent aussy estre
bruslés et calcinés, et fendus en plusieurs endroits, à la reserve
du bout du mur où est la porte par laquelle on descendu par sept ou
huit marches dans un cabinet, toutes de pierre, servant de buvette à
la
Grand'Chambre, au dessus duquel est la première chambre des
Enquêtes, lequel nous avons trouvé dans son entier, sans avoir esté
endommagé par le feu. Et delà estant revenus sur nos pas dans le
lieu où estoit un salon qui communique de plein pied de la sale de
l’audience à la Grand'Chambre et à celle de la Tournelle, et
servoit
aussy
de passage pour aller aux chambres des Enquêtes et des Requêtes, il
nous a pareu que ledit salon avec ses planches et le dôme de
charpenterie qui estoit au milieu pour y donner jour, a costé duquel
dôme il y avoit aussy plusieurs papiers de la mesme qualité que
ceux cy devant exprimés, avec le toit et couverture ont esté
entièrement bruslés. Comme aussy que la chambre de la Tournelle qui
estoit entre ledit salon et la chambre de la seconde des Enquestes et
tous les meubles de laditte chambre de la Tournelle, ensemble
beaucoup de papiers qui estoint entre le plancher superieur et la
couverture de laditte chambre ont esté brulés. Au dessous duquel
salon et chambre de la Tournelle, il y avoit des chais à demy sous
terre
servant
de passage et de buvete aux bas officiers du palais, dans lesquelz
toutes les ruines dudit salon et chambre de la Tournelle et de la
plus grande partie de leurs murs ont tombé. Et à l'égard de la
chambre de la seconde des Enqùestes qui est joignant'celle de la
Tournelle, il nous a pareu que le feu ne sy estoit pas communiqué,
ce qui put estre arrivé soit à cause que le mur qui leur sert de
séparation estoit plus haut que le toit de la chambre de la seconde
des enquêtes, soit parce que le vent d'ouest-nord-ouest qui estoit
pour lors assés violent, chassoit les flames hors de dessus la
chambre de la seconde des Enquêtes, et qu'on avoit eu aussy le soin
de découvrir et rompre une partie de la charpente et couverture de
ladittechambre.
Néanmoins
avons remarqué que le mur qui servoit de séparation ausdites
chambres avoit esté extremement endomagé et affaibly par le feu, en
sorte qu'il nous paroit dangereux que ce mur qui suporte d'un costé
une souche de pierre de ladite chambre de la seconde des Enquêtes,
venant à travailler davantage, n'entraine
par
sa ruine la chute de l'entière voûte de laditte chambre, ce qui
causeroit un domage de douze ou quinze mil livres, et nous auroit
obligé de mander sur le champ les nommés Chantelou et Augier,
ingénieurs du Roy, et Nouailles, architecte de cette ville, affin
qu'ils visitent en nostre presance le dit mur, et nous puissent dire
ce qu'il
y
a à craindre et à faire pour y pourvoir. Lesquels estant venus, et
après avoir fait prester le serement audit Nouailles au cas requis,
et qu'ils ont eu visité ledit mur par dehors et par dedans, ils nous
ont raporté qu'il faudra estayer et estre sillonner la voute de
ladite chambre et le mur qui la sépare d'avec la Tournelle, et
rétablir aussy
la
charpente et couverture au dessus de la voute de laditte chambre, en
employant les.bois et toiles qui se trouveront propres à y servir et
fournissant douze chevrons de vingt-quatre pieds chacun, les tables
nécessaires pour servir de lattefeuille, les cloux de petite couture
et environ deux milliers de tuile, observant que ladite charpente ne
porte point sur la voûte et ainsy qu'il est plus amplement expliqué
par
le devis cy joint. Après quoy, estant allés dans ladite chambre de
la seconde des Enquestes, avons trouvé qu'elle estoit en bon estat
avec tous ses meubles, à la reserve qu'il nous a pareu que quelques
pierres de la voûte du costé de la Tournelle s'estoint un peu de
prises de long en long. Et ensuite estant entrés dans la galerie et
cabinet qui sont au bout de ladite chambre, nous les avons trouvés
en bon
estat.
D'où estant revenus dans le corridor qui sert d'entrée à ladite
chambre, au bout duquel il y a une petite chambre servant au greffe
criminel, nous l'avons trouvée aussy en bon estat.
Et
de là ayant passé à l'entrée de l'escalier par où l'on monte à
la chambre de la
première
des Enquetes, nous avons remarqué qu'un mur dudit escalier qui le
separoit de la Grande Chambre, faisoit fente en quelques endroits et
que l'angle qui faisoit le coin dudit. escalier, du costé du salon
brulé, estoit aussy un peu ruiné et néanmoins que ledit escalier
ne s'estoit point encore demoly et n'avoit d'autre dommage que de
quelques pierres dures rompues sur le second paillé par la chute
du
dôme de charpenterie qui estoit au milieu de la voûte de pierre qui
couvre ledit escalier, lequel dome s'est brulé et plusieurs pierres
de ladite voûte se sont fractionnées, menassant une ruine
prochaine, et ayant besoin d'estre au plutot dessendues.
Et
estant entrés dans la chambre de la première des Enquêtes, avons
trouvé que ladite chambre avec ses deux cabinets et tous ses meubles
sont en bon estat, la charpenterie et couverture de ladite chambre
ayant néanmoins esté presque ruiné par le feu qui s'est communiqué
de celluy du salon et de la Grande Chambre et qui n'a pas pénétré
dans ladite chambre à cause qu'elle est voutée de pierre. D'où
estant descendus et ayant passé par le lieu où estoit le salon et
de là par un corridor
servant
d'entrée de la grand sale dans l'Intérieur du palais, nousavons
trouvé que les parpains, plancher et couverture d'icelluy estoint
aussy entierement ruinés. Et estans dans ladite grande sale, à
costé de son entrée dans ledit corridor, nous avons monté par un
perron dans la chambre de l’audience de messieurs des Requêtes au
dessus
de laquelle est leur chambre de conseil, où estans il nous a paru
que du costé par où elle joignoit au salon brusié le mur estoit
fort endonmagé et menassant ruine, et que dans l'angle d'icelluy,
depuis la couverture jusqu'au fondement ledit mur faisoit fente, en
sorte qu'il avoit besoin d'estre promptement estayé et estre
sillonné pour l'entretenir, et, au surplus, n'y avoir point de
donmage, et attendeu l'heure tarde, nous sommes retirés et avons
remis à demain de faire la visite et procès verbal des lieux
adjacens au palais, conformement à l'arrest.
Et
avenant le lendemain, troizieme du présent mois, nous, commissaires
susdits, nous estans assemblés au palais, à l'heure de dix heures
du matin, en sommes sortis accompagnés, comme cy dessus est dit,
pour faire procès verbal des lieux adjacens au palais, commençant
par les maisons de la place dudit palais à main droite en
sortant,
continuant par la rue Poitevine, retournant par celle qu'on appelle
rue d'Enfer, et ensuite celle des Bahutiers,jusquesà l'endroit où
est le bureau des lettres, où nous sommes entrés pour traverser
dans la rue des Argentiers, par le bout de laquelle nous sommes
arrivés au palais. Toutes lesqueles dites maisons attenantes au
palais ayant visité, il ne nous a pareu aucune marque ny vestige que
le feu
ayt
esté mis ny soit entré par icelles dans le palais ny par aucun
autre endroit de dehors, dont et de tout ce que dessus avons dressé
nostre present procès verbal. Ainsy .Mg DALON, ANDRAU, DE MALVIN, DE
MOSNIER, DE LACHABANE, LATOUR DE
MONS.
BiGOT
(collationé).
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